Elle allait devant elle avec une vivacité libre et légère, et, à cette marche qui n' a encore rien porté de la vie, on devinait une jeune fille. Elle avait cette grâce fugitive de l' allure qui marque la plus délicate des transitions, l'adolescence, les deux crépuscules mêlés, le commencement d'une femme dans la fin d'un enfant. L' homme ne la remarquait pas.
Tout à coup, près d'un bouquet de chênes verts qui est à l' angle d'un courtil, au lieu dit les basses-maisons, elle se retourna, et ce mouvement fit que l' homme la regarda.
Elle s'arrêta, parut le considérer un moment, puis se baissa, et l' homme crut voir qu'elle écrivait avec son doigt quelque chose sur la neige.
Elle se redressa, se remit en marche, doubla le pas, se retourna encore, cette fois en riant, et disparut à gauche du chemin, dans le sentier bordé de haies qui mène au château de lierre.
L'homme, quand elle se retourna pour la seconde fois, reconnut Déruchette, une ravissante fille du pays.
Il n' éprouva aucun besoin de se hâter, et, quelques instants après, il se trouva près du bouquet de chênes à l' angle du courtil. Il ne songeait déjà plus à la passante disparue, et il est probable que si, en cette minute-là, quelque marsouin eût sauté dans la mer ou quelque rouge-gorge dans les buissons, cet homme eût passé son chemin, l' oeil fixé sur le rouge-gorge ou le marsouin.
Le hasard fit qu'il avait les paupières baissées, son regard tomba machinalement sur l'endroit où la jeune fille s'était arrêtée.
Victor Hugo 1911 |
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